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plus la grâce fleurie du renouveau ni l’exubérance de vie de la terre couverte de moissons ou de pampres, mais le charme discret et mélancolique des choses qui vont mourir. Le soleil décroissant dans sa course céleste réjouit sans brûler, éclaire sans aveugler. L’air est frais et doux, la terre fume légèrement, et au lieu du bleu cru du ciel, et des torrents de cette implacable lumière du solstice d’été, des vapeurs diaphanes atténuent les lignes des cimes boisées, les arêtes des coteaux dénudés, et les fondent sur l’horizon incertain, avec un ciel d’un bleu d’opale.

Il fait bon alors humer les fragances sylvestres, s’en aller au hasard sur les sentiers des bois tapissés de feuilles mortes qui bruissent légèrement sous le pied. De fleurs il n’y en a plus. Pourtant quelquefois, dans un coin ensoleillé, la petite pâquerette dresse sa gentille collerette dans l’herbe courte.

Mais cette époque des promenades méditatives et des contemplations de couchers de soleil enflammés, est aussi celle qui ramène les joies plus prosaïques du boudin grillé.

C’est le commencement de la saison des égorgements de cochons qui se prolonge jusqu’au carnaval. Pour chaque porc vient la Saint-Martin, dit le proverbe. Dans le village on se dit : « chez Piarril tuent le cochon ». La veille on ne lui a pas donné sa « baquade », et le matin même on a mis au feu une grande marmite d’eau pour l’ébouillanter. Un banc large et bas est dressé dans la cour ou sur le chemin. Les voisins qui seront payés de leur peine en « gogues » ou boudins, sont venus