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Ayant fait, il se campe, regarde en arrière les sillons fumants et semble supputer le rendement futur… Puis il crache dans ses mains, empoigne le mancheron, commande ses bœufs à virer et recommence une autre raie.

Dans l’après-midi, la terre étant bien émottée, l’homme sème son blé. À même le panier passé dans la saignée du bras gauche, il prend la semence chaulée, et avançant d’un mouvement presque mécanique, il lance le grain en fauchant, d’un jet brusque et mesuré. Derrière lui, les autres de la maison, femmes et tout, achèvent d’ameublir la terre avec la pioche et recouvrent les grains à l’ancienne mode, ou bien la herse traînée par les bœufs l’ensevelit. Toute cette semence tombe en bonne terre, bien fumée, et pourtant, malgré l’Écriture, ne lèvera pas toute.

Les insectes, les rats des champs et les oiseaux de l’air en mangeront une partie. Le paysan le sait, mais cela ne l’arrête pas. Conformément au vieux dicton : « Il ne faut pas laisser de semer pour la crainte des pigeons. » Il continue d’un pas régulier et avance toujours. Quelquefois, au coucher du soleil, en haut du champ qui commence à s’embrumer, le chasseur rentrant au logis, voit se détacher sur l’horizon d’étain obscurci :

Le geste auguste du semeur.

Ainsi de la Saint-Michel à la Sainte-Catherine, se sèment chez nous le blé froment, le seigle, les avoines d’hiver ; et ça et là quelques champs d’escourgeon ou orge. Autrefois on en semait beaucoup plus. C’est que la culture s’est fort modifiée en ce pays. Le panis jadis très estimé des Périgordins,