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noix fraîches, ou une belle grappe de « pied de perdrix », ainsi appelé de ses pédicelles rouges. Puis, de la maison, la ménagère a porté encore un « millassou » de blé d’Espagne, ou des crêpes de pure farine de froment, que l’on roule avec du miel, à mode de sucre râpé.

Des grandes pintes ou des pichets de bois, le vin tenu au frais coule en moussant dans les gobelets, et réjouit les vendangeurs qui se renvoient comme une paume de joyeux propos. Les vieux parlent de la vinée, de la qualité ; les garçons d’âge rient avec les filles, et les petits droles se disputent pour un hérisson trouvé dans une haie.

Le soir, on revient gaiement souper à l’ « oustal », en suivant la charrette qui emporte à la cuve les dernières barriques de vendange : les invités avec un panier de raisin pour leur salaire.

Ainsi se faisaient les vendanges autrefois, lorsque la vigne en sa verte vigueur, sur nos puys rocailleux, produisait du raisin sans fumier ni guère de travail qu’un fouissage, et — pas toujours — un binage. Aujourd’hui il n’en est plus ainsi ; nos vieilles souches indigènes sont mortes, et les plants nouveaux veulent de bons terrains, des engrais, des piquetages, des sulfatages, et quatre ou cinq façons.

Pourquoi donc se réjouirait-on tant ? La vigne ne fait que payer, souvent bien maigrement, toutes les fatigues que le paysan a endurées pour lui faire produire du fruit. Aussi les vendanges ne sont-elles plus aussi joyeuses que jadis.

La vendange toute en cuve, on la laisse bouillir et, dans la dizaine, plus ou moins, on foule et on « écoule ».