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SANS-CULOTTIDES

Élevons-nous dans le temps et dans l’espace au-dessus de nos préjugés sur l’immutabilité des formes actuelles de la propriété et des lois qui la régissent.

La nature a livré la terre à l’universalité des hommes pour en user dans la mesure de leurs besoins.

Elle n’a point voulu que quelques-uns possèdent sans travailler, récoltent sans semer jusqu’au superflu, et que beaucoup d’autres travaillent sans posséder, sèment sans récolter toujours le nécessaire.

Elle a voulu au contraire que chaque homme pût librement pourvoir à sa subsistance par le travail direct de la terre.

À ce droit naturel primordial, s’opposa pendant de longs siècles le droit brutal du plus fort, réduit plus tard en articles par les légistes, et béni par les prêtres moyennant une part des dépouilles. C’est le droit de Clovis sur les Gaules, de Pépin sur l’Aquitaine, de Félicissime sur le Périgord, de tout seigneur sur sa terre ; il n’y en a pas d’autre.

À ce droit inique qui finit par soulever la conscience humaine, a succédé depuis un siècle l’éviction impersonnelle des faibles par le seul jeu automatique des lois issues de l’impitoyable législation quiritaire. Ainsi le droit nouveau qui devait procurer la justice agraire consacre l’iniquité, et les lois qui devraient protéger les faibles les accablent.