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Mais, en général, pourvu qu’il ait quelque espérance de réaliser son rêve terrien, il prend patience. Au contraire, s’il n’entrevoit pas la possibilité d’accéder à la propriété libératrice, il se dégoûte et déserte la terre. C’est pourquoi on voit de beaux messieurs bourgeois, se lamenter sur le manque de bras : On ne trouve plus de bons métayers ! plus de journaliers !… Eh f… ! cultivez vous-mêmes vos terres ! Pensez-vous qu’il y ait une classe de gens destinés à travailler éternellement pour vous ?

Le paysan sent tout cela. Jadis les prêtres lui avaient fait accroire que selon les décrets de la Providence divine, il devait suer, peiner, et crever de faim, pour nourrir et entretenir en joie et liesse les riches otieux qui possèdent la terre. Aujourd’hui il est désabusé. Il se dit que les gros bourgeois fainéants et absentéistes, n’ont que faire de vastes propriétés qu’ils ne cultivent pas et ne pourraient cultiver. À eux le haut commerce, l’industrie, les métiers libéraux, la spéculation, les fonctions publiques ; mais qu’ils laissent la terre à ceux qui la mettent en œuvre ! Une maison de campagne, un jardin, un enclos, suffisent à ces messieurs pour leurs ébats champêtres. Ainsi pensent les déshérités de la « machine ronde ». La terre au paysan ! voilà le résumé de leur légitime ambition.

Il est grand temps d’y songer. L’heure de la justice sociale a sonné. Il est urgent de faire cesser un état de chose inique et odieux ; de constituer une solide démocratie rurale de paysans possesseurs, ayant leur vie et leur indépendance assurées. Il est plus que temps que les métayers, les bordiers, les tierceurs, les journaliers, tous les mercenaires,