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hauts toits pointus. Ensuite, la belle maison Lambert avec ses trois étages de galeries donnant sur la rivière, soutenues par de jolis piliers sculptés ; et plus loin se dressait fièrement, dominant la rive, la tour de la Barbecane, avec sa plate-forme crénelée, ses mâchicoulis et ses meurtrières pour couleuvrines et arquebuses : belle relique de l’ancienne enceinte de la ville, que des massacres ont rasée depuis. Un peu plus loin, les rochers à pic de l’Arsault se dressaient fièrement.

En aval du pont, c’était le vieux moulin fortifié de Saint-Front, tout sombre, curieux à voir avec ses murailles épaisses, ses baies étroites, ses appentis moitié bois moitié pierre, maintenus par des jambes de force, ou collés à ses murs comme des nids d’hirondelles. Sous ses arches sombres, les eaux de l’écluse divisées par des éperons de pierre allaient s’engouffrer lentement. Plus loin, c’était une maison étrange avec une galerie en forme de dunette, plantée sur un massif de maçonnerie qui s’avançait dans l’eau en angle effilé comme un éperon de galère : on eût dit une nef du moyen âge, avec son château d’avant, à l’ancre dans la rivière. Tout au fond, les grands arbres feuillus du jardin de la Préfecture se reflétaient sur les eaux.

Et par en haut, comme du côté d’en bas, entre ces points principaux, c’était une foule de maisons dévalées vers la rivière, en désordre, comme un troupeau de brebis, et s’y baignant