coup de fusil sur l’échine, car la blessure était toute fraîche. Je le ramassai, et m’en courus à la maison, tout content de le porter à ma mère. Comme il n’était pas possible de savoir qui l’avait tué, elle le vendit, le mardi d’après, à Thenon, avec nos deux poules que nous avions eues en partage à Combenègre, afin de faire un peu d’argent pour notre voyage.
Le jour arrivé qu’il nous fallait partir, nous avions dans un fond de bas, attaché avec un bout de gros fil, un peu plus de trois francs en sous et en liards. Ma mère mit le reste du chanteau dans le havresac de mon père, que le Rey nous avait rendu avec son couteau, le passa sur son épaule en bandoulière, prit un bâton d’épine, et nous partîmes après avoir attaché la porte à un gros clou avec une corde pour la tenir fermée.
Nous n’étions pas trop bien habillés pour nous montrer en ville. Ma mère avait un mauvais cotillon de droguet, une brassière d’étoffe brune toute rapiécée, un mouchoir de coton à carreaux jaunes et rouges sur la tête, des chausses de laine brune et des sabots. Moi, j’avais aussi des sabots aux pieds, puis un bonnet et des bas tricotés, un pantalon trop court, pareil au cotillon de ma mère, bien usé, et une veste faite d’un vieux sans-culotte de mon père.
Il y en a sans doute qui demanderont ce que c’est qu’un sans-culotte.