Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/70

Cette page a été validée par deux contributeurs.

bientôt, avec des feuilles mortes, des herbes et des brindilles, en soufflant ferme, la flamme brilla dans l’âtre.

Le feu ainsi allumé, il fallut aller à l’eau. En cherchant bien dans les environs, nous trouvâmes l’ancienne fontaine dont se servaient les tuiliers. Pour dire le vrai, c’était une mauvaise fontaine suintant un peu l’hiver, et, l’été, gardant seulement l’eau des pluies. Elle ne différait guère du trou où ma mère avait pris l’eau pour faire boire l’homme à la Mïon, étant pour lors demi-comblée et pleine de joncs qui sortaient de l’eau blanchâtre. Impossible d’y puiser de l’eau avec la seille : il nous fallut la remplir avec le pichet. Revenus à la cahute, ma mère garnit l’oule de pommes de terre, et la mit sur le feu pour notre souper.

Le soir, après avoir mangé deux ou trois pommes de terre à l’étouffée avec un peu de sel, lorsqu’il fut question de nous coucher, ma mère vit qu’il n’y avait jamais eu de serrure ou de verrou à la porte. On la fermait de dedans à l’ancienne manière avec une barre qui, entrant dans deux trous de chaque côté du mur, maintenait le battant. Voyant ça, ma mère tailla avec la serpe un bout de bois de longueur, l’ajusta bien, et ainsi ferma solidement, après quoi nous allâmes au lit.

Je crois bien qu’elle ne dormit guère de la nuit, bourrelée par l’idée de mon pauvre père, prisonnier à Périgueux, que la guillotine ou les