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ajoncs avaient poussé, rares dans la mauvaise terre. Tout cet ensemble avait un aspect de ruine et de désolation qui serrait le cœur. On eût dit un vieux champ de bataille abandonné après l’enfouissement précipité des morts.

En embrassant d’un regard toutes ces tristes choses, ma mère eut un petit frisson, un triboulement comme nous disons, et ses yeux se reportèrent sur moi. Mais, comme c’était une femme de grand cœur, elle entra fermement dans la maison où je la suivis, tandis que l’homme de la Mïon défaisait la corde du chargement.

Quelle maison ! Celle de Combenègre était bien nue, bien noire, bien triste, mais c’était une maison bourgeoise en comparaison de celle-ci. Lorsque la porte fut poussée, qui ne tenait plus que par un gond, elle se montra dans tout son délabrement. Aux murs, par endroits, une crevasse laissait voir le jour extérieur, ou donnait passage à une plante qui perçait de dehors. Le foyer était grossièrement construit à la façon de ceux des cabanes qu’on fait dans les terres. Point de grenier ; en haut dans un coin, sur les solives, des planches brutes, mises là pour sécher et oubliées, faisaient une espèce de plancher mal joint, juste à peu près pour abriter un lit. Partout ailleurs on voyait la tuilée, et, dans le coin découvert, le ciel. Par ce trou, les pluies d’hiver avaient fait un petit bourbier dans la terre battue.

Ayant contemplé ça sans rien dire, ma mère