comptait qu’il nous devait revenir dans les dix écus ; mais lorsqu’elle fut pour régler, il se trouva que c’était le contraire, que nous autres redevions une quarantaine de francs, comme le lui dit l’autre. Laborie nous avait marqué un demi-sac de blé dont ma mère n’avait aucune connaissance ; il n’avait pas porté en compte tout le prix d’un cochon que nous avions vendu à Thenon, et, de plus, il avait omis d’inscrire l’argent de trois brebis que mon père lui avait remis. Il nous fallut donc quitter Combenègre soi-disant dans les dettes des messieurs.
Ce fut un rude coup pour ma pauvre mère. Nous n’avions qu’une trentaine de sous à la maison, un chanteau de six ou sept livres, quelque peu de pommes de terre et un fond de sac de farine de blé d’Espagne qui pesait bien dans les quinze livres : il n’y avait pas pour aller loin avec ça.
L’homme de la Mïon vint le lendemain avec sa charrette pour emporter nos affaires. Tout ça n’était pas lourd pour les bœufs : notre mauvais lit, le méchant cabinet, la table, les bancs, la maie, la barrique à piquette, une marmite, une oule, une tourtière, la poêle, un seau de bois et d’autres petites choses, comme la lanterne et la salière de bois. Tout ce misérable mobilier ne valait pas les quarante francs que nous étions censés redevoir aux messieurs de Nansac, par la canaillerie de ce Laborie qui nous faisait du mal jusqu’après sa mort.