petite Charlotte, pour me mener asseoir à une bonne place à l’abri du vent et me chauffer au soleil d’hiver. Si ce n’était ça, j’ai encore toute ma tête, et mes jambes sont bonnes. Lorsque ma petite-fille me tient compagnie, j’ai assez à faire à lui répondre, car elle ne cesse de me faire des questions sur ceci ou ça, comme on sait que c’est l’habitude des petits droles qui veulent tout savoir. Mais, des fois, elle me laisse pour aller s’amuser avec d’autres enfants du village, et alors je reste seul, à moins que notre plus proche voisine, la vieille Peyronne, ne se vienne seoir près de moi ; malgré ça nous ne tenons pas grande conversation, car elle est sourde comme un pot.
Quand je suis ainsi tout seul, au soleil, ou bien l’été à l’ombre d’un vieux noyer grollier resté debout aux abords des fossés du château, je rumine mes souvenirs et je sonde ma conscience. Je songe à tout ce que j’ai fait, à l’incendie de la forêt, à celui du château et, après avoir tourné et retourné les choses dans tous les sens, après avoir bien examiné toutes les circonstances, je me trouve excusable, comme ont fait les braves messieurs du jury. Il n’y a que les deux chiens du comte que je regrette d’avoir fait étrangler avec mes setons, car les pauvres bêtes n’en pouvaient mais. Pour tout le reste, je rendais guerre pour guerre et je ne faisais que me défendre, et les miens et tous, contre la malfaisance odieuse et les méchancetés