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taient naguère étaient matées par la satisfaction du devoir accompli. À peine si de loin en loin une circonstance extérieure venait me rappeler la Galiote, et lorsque ça arrivait, je pensais à elle sans trouble aucun. Je me sentais heureux d’être débarrassé de cette fièvre amoureuse qu’elle me donnait, et qui empiétait sur ma volonté.

« Au moins, me disais-je, si je dois aimer, que ce soit une fille de la terre périgordine, une pauvre paysanne comme moi, et non une fille de cette race exécrée des Nansac ! »

Je rencontrais bien quelquefois la Galiote, quoique plus rarement qu’auparavant, mais je ne ressentais plus en sa présence ce bouillonnement de sang, cette rage de désirs sauvages qui m’affolaient jadis. Les filles, encore qu’elles n’aient pas eu affaire aux hommes, comme celle-ci, connaissent bien ces passions qu’elles excitent : aussi la Galiote s’étonnait de me voir maintenant tranquille et froid près d’elle. Lorsqu’un jour, voulant la chasser de ma pensée, je lui rendis son petit poignard, elle eut comme un mouvement de dépit. Peut-être était-elle piquée de ce changement, car certaines femmes des plus fières prennent, dit-on, parfois un secret plaisir à l’admiration naïve, au désir crûment exprimé d’un rustre.

À sa manière d’être, il me semblait qu’elle essayait de souffler sur ce brasier éteint, pour le raviver ; mais c’était peine perdue. Même elle