Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/395

Cette page a été validée par deux contributeurs.

loquet ; pour plancher c’était la terre nue où l’herbe avait poussé par l’inhabitation. Le premier jour, je couchai sur de la fougère que j’amassai dans un coin ; mais le lendemain, m’étant procuré des planches et des piquets, je fis une manière de lit comme une grande caisse, et je dressai une table dans le même genre. Deux tronces équarries, de chaque côté de l’âtre, me servirent de banc, et me voilà dans mes meubles, comme on dit. Après ça, il me fallut acheter une marmite, une seille de bois, une soupière et une cuiller. — Heureusement, au moment de la mort de Jean, j’avais recouvré quelques sous qui me servirent bien. — L’endroit était fort sauvage, mais point déplaisant, du moins pour moi, car je crois qu’un monsieur de Périgueux ne s’y serait pas habitué aisément. Autour de la maison il y avait cinq ou six gros châtaigniers qui donnaient de l’ombre et sous lesquels venait une petite herbe courte et drue comme du velours, parmi laquelle poussaient par places des fougères et des touffes de cette fleur appelée bouton d’or, ou en patois : paoutoloubo, parce que les feuilles ressemblent à l’empreinte d’une patte de louve. Attenant la maison, il y avait un petit jardin aux murailles écrasées, plein d’herbes folles, de ronces, de buissons, d’églantiers, qui avaient étouffé un prunier sur lequel grimpait une clématite des haies, autrement appelée : « herbe aux gueux », parce que ces coureurs qui braillent piteusement