et des sabots. Avec ça, un petit livre d’un esclave de l’ancienne Rome que m’avait baillé le défunt curé Bonal, une hache, et mon fusil qu’on avait retrouvé dans une cabane, caché sous de la feuille : voilà tout mon bien. Du temps de Lina, j’étais curieux de me mieux habiller pour lui faire honneur ; mais maintenant il ne m’importait guère.
Mon petit paquet fait, je sifflai mon chien et je m’en fus, laissant la clef à une voisine pour la remettre au neveu de Jean qui avait été quérir son peu de mobilier.
J’étais parti délibérément, mais quand je fus à quelque distance, je m’arrêtai, pensant en moi-même où je pourrais aller. Comme je l’ai dit, il y avait bien des gens qui me faisaient bonne figure, et j’aurais pu sans point de doute trouver à me placer. Mais quoique la condition de domestique de terre, chez des paysans, travaillant et mangeant avec eux, n’ait rien de bien pénible, j’aimais trop ma liberté pour me louer. Peut-être qu’en me plaçant ainsi, j’aurais pu me marier sans servir sept ans comme Jacob. Il y avait aux Bessèdes une fille accorte qui me regardait d’un bon œil. La mère, veuve, avait besoin d’un gendre pour faire valoir le domaine, et, comme j’y avais travaillé quelque temps à la journée, elles m’avaient donné à comprendre toutes les deux que je leur convenais pour mari et pour gendre. Mais moi, je n’avais envie ni de la fille ni du bien, encore que le tout en valût