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aux faits de la cause : la propriété doit être respectée…

— Monsieur le président, je souscris pleinement à cette maxime… Je respecte donc la fortune acquise par un labeur honnête et persévérant, et je respecte aussi la propriété qui est le fruit visible du travail. Mais lorsqu’une fortune est édifiée sur la ruine publique, lorsque la propriété provient d’une vaste escroquerie, j’ai le droit comme homme et comme avocat de les flétrir et de les mépriser !

» Je disais, messieurs les jurés, que le plus coupable était cet anobli qui apparaît en ce siècle comme un monstrueux anachronisme.


Et alors, reprenant les dépositions des témoins à décharge, M. Fongrave fit le tableau effrayant des misères, des vexations, des cruautés subies par les paysans voisins du comte. Il le peignit tel qu’il était, orgueilleux, dur et méchant, foulant sans pitié les pauvres gens, les écrasant sous une tyrannie capricieuse et arbitraire, faisant le mal uniquement pour le plaisir de le faire, et le faisant impunément grâce à la coupable faiblesse des autorités :

— Voilà, s’écria-t-il, où nous en sommes quarante ans après la proclamation des droits de l’homme ! Et maintenant, messieurs, ne pourrait-on s’étonner que les voisins du comte de Nansac aient poussé la patience jusqu’à la longanimité ? qu’ils n’aient pas su dire plus tôt : « Non ! »