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son bonnet devant lui et commença ainsi d’une voix grave et profonde son plaidoyer, reproduit en entier le lendemain, par le journal l’Écho de Vésone  :


« Messieurs les jurés,

» Il me semble entrevoir à travers les siècles quelques traces de la justice inconsciente des choses. Ce n’est pas certes, cette justice haute et sereine à laquelle aspire l’humanité, mais une sorte de talion vengeur qui fait que l’oppression engendre la haine, que la tyrannie suscite la révolte, que la violence appelle la violence, et l’injustice la violation des lois de la justice.

» L’affaire qui vous est soumise n’est qu’un épisode de cette longue suite de soulèvements de paysans, amenés par des vexations cruelles, une insolence sans bornes et par la plus brutale oppression.

» Tous les coupables ne sont pas là sur ce banc derrière moi, messieurs ! Il y manque celui dont les agissements criminels ont amené les événements dont les accusés ont à répondre ; il y manque ce prétendu gentilhomme, ce petit-fils orgueilleux d’un vilain qui ramassa des monceaux d’or impur dans le ruisseau de la rue Quincampoix…

— Maître Fongrave, interrompit le président, ces appréciations rétrospectives sont inutiles ; vous n’avez pas à rechercher les origines de la fortune d’une honorable famille ; tenez-vous-en