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comme ces messieurs ne voulaient pas rentrer bredouilles, on tria encore dans tout ce monde trois hommes qui vinrent nous rejoindre à la prison de Sarlat.

Nous n’étions pas trop mal dans cette prison. Le geôlier, seul pour tous les prisonniers, se faisait aider par sa fille à nous apporter la soupe. Cette fille était une grande pâle, qui avait l’air d’être poitrinaire. Elle s’intéressait fort à nous ; à moi surtout, qu’elle prenait, je crois, pour un chef de bandits célèbre. De temps en temps, elle m’apportait des compresses pour mettre sur mon épaule qui me cuisait fort, et sous prétexte de voir si nous ne cherchions pas à nous sauver, elle venait dix fois le jour à une fenêtre grillée qui donnait sur la petite cour, entourée de hauts bâtiments, où nous sortions, et me faisait part de ce qui se disait en ville sur notre compte. Sur sa demande, je lui racontai mon histoire, qui l’intéressa tellement, qu’un soir elle me proposa de me faire sauver.

— Pauvre petite, lui dis-je, je vous suis bien obligé de ça et je n’oublierai jamais votre bon cœur ; mais vous pensez bien que je me ferais couper le cou plutôt que d’abandonner ceux qui m’ont suivi ; et puis votre père en pâtirait fort, vous entendez bien ?

On nous garda plus d’un mois et demi à Sarlat. Dans les commencements, le juge nous faisait venir pour nous interroger quasi tous les matins, moi principalement. Le mâtin savait