parlais, récapitulant longuement les griefs de tout le pays contre le comte de Nansac, mes paroles ravivaient les blessures de tous ces pauvres gens, et je voyais dans l’ombre reluire leurs yeux. C’était une chose curieuse que ces paysans assemblés la nuit dans cet endroit sauvage. Ils étaient vêtus misérablement, tous, de vestes en droguet, blanchies par l’usure, de vieilles blouses décolorées, salies par le travail, de culottes de grosse toile ou d’étoffe burelle, pétassées de morceaux disparates. Quelques vieux, comme Jean, avaient de mauvaises limousines effilochées par le bas, et d’autres pauvres diables de loqueteux étaient à demi couverts de haillons n’ayant plus ni forme ni couleur. La plupart étaient coiffés de bonnets de coton, bleus, blancs, avec un petit floquet, sales, troués souvent, qui laissaient échapper d’épaisses mèches de cheveux. D’autres avaient de grands chapeaux périgordins ronds, aux bords flasques, déformés par le temps et roussis par le soleil et les pluies. Point de souliers, tous pieds nus dans leurs sabots garnis de paille ou de foin. Les femmes abritaient leurs brassières d’indienne et leurs cotillons de droguet sous de mauvaises capuces de bure, ou se couvraient les épaules d’un de ces fichus grossiers qu’on appelait en patois des coullets.
C’était bien là, la représentation du pauvre paysan périgordin d’autrefois, tenu soigneusement dans l’ignorance, mal nourri, mal vêtu,