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ments de notre antique culte national et mettre à mort ses prêtres. C’est là que la vieille Huguette, la sorcière du Cros-de-Mortier, faisait ses sacrifices de nuit. Ceux qui requéraient ses divinations se rendaient à cet endroit, portant, selon le cas, un coq ou une poule que la vieille saignait après un tas de simagrées. Ensuite, ayant aspergé les pierres du sang de la bête, elle lui ouvrait le ventre d’un coup de couteau et farfouillait dedans au clair de lune, afin de tirer, au vu du cœur et du foie, des pronostics sur l’affaire pour laquelle on la consultait.

La sorcière est morte maintenant et les sacrifices de poulaille ont cessé, mais il y a encore des vieux qui en ont été témoins.

À mesure que les gens sortaient du bois, ils venaient se grouper autour de la Peyre-Male, et attendaient appuyés sur leurs lourds bâtons. Lorsque je vis que tout le monde était arrivé, je me levai, et, m’adressant aux femmes, je leur demandai ce qu’elles venaient faire là.

— Et penses-tu, dit une ancienne de Prisse, que nous n’ayons rien à venger ?

— Nous crois-tu plus couardes que les hommes ? ajouta une autre.

— À la bonne heure, donc, puisqu’il en est ainsi !

Et alors, monté sur une de ces grosses pierres, je refis amplement mes premiers prêches des villages, et je montrai très clairement la triste situation où nous étions. Tandis que je