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huit jours ; mes oreilles bourdonnaient, ma tête ne pouvait plus produire une idée, ma volonté se détendait, s’anéantissait, je sentais la vie me fuir, et je finis par tomber dans un évanouissement précurseur de la mort.

Quand je revins à moi, j’étais dans un lit ; on me desserrait les dents tout doucement, et on me faisait avaler un peu de bouillon mêlé avec du vin, dans une cuiller. Mes yeux, par l’effet de la désaccoutumance, ne pouvaient soutenir l’éclat du jour, et je les refermai aussitôt. Les mains et la figure me cuisaient fort par endroits, là où les rats m’avaient mordu, mais je ne rapportais cette douleur à aucune cause. Il me semblait que ma cervelle s’était fondue et que ma tête était vide comme une calebasse. Incapable de former une idée, je restais là étendu, n’ayant que la respiration, et encore bien petite. Puis, peu à peu, avec le temps, et à force de soins, je commençai à ressusciter et je reconnus Jean auprès du lit.

— Et Lina ? lui dis-je faiblement.

— Eh bien, tu la verras quand tu seras sur pied.

Tranquillisé un peu, je me rendormis.

Quelques jours après, le chevalier vint, et, me voyant mieux, il fit :

— À cette heure, tu es sauvé… pour cette fois ! il s’en va sans dire, comme le bréviaire de messire Jean.

Je souris légèrement et le remerciai de toutes