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rents se fâchaient, ces fous malfaisants disaient que c’était beaucoup d’honneur pour elles. En tout, au reste, ils ne se faisaient pas faute d’imiter le comte et d’être comme lui insolents et brutaux avec la « paysantaille », comme il disait. Ce petit-fils d’un porteur d’eau méprisait tellement les pauvres gens de par là, que s’il se trouvait surpris par quelque orage, étant à la chasse, il entrait avec son monde dans les maisons, tous menant leurs chevaux qu’ils attachaient au pied des lits. S’il lui déplaisait de voir passer dans un chemin public où l’on avait passé de tout temps, il le faisait sien sans gêne au moyen d’un fossé à chaque bout. Il s’était emparé ainsi des anciens pâtis communaux du village de l’Herm, et personne n’osait rien dire, parce qu’il n’y avait pas de justice à son égard. Ainsi, dans ce pays perdu, grâce à la faiblesse et à la complicité des gens en place, qui redoutaient son crédit et sa méchanceté, le comte renouvelait, autant que faire se pouvait, la tyrannie cruelle des seigneurs d’autrefois. Aussi, dans tout le pays, c’était, contre lui surtout, et puis contre les siens, une haine sourde qui allait toujours croissant et s’envenimant ; haine contenue par la crainte de ces méchantes gens et l’impossibilité d’obtenir justice par la voie légale. Ceux des villages de l’Herm et de Prisse étaient les plus montés contre le comte et les siens, comme étant les plus exposés à leurs vexations et à leurs insolences.