grassement sa nuit. À mesure qu’il approchait, je le voyais mieux : c’était un vieux loup vraiment superbe, avec son poil rude et épais, ses épaules robustes et son énorme tête aux oreilles dressées, au nez pointu. Je le tenais au bout de mon canon de fusil, le doigt sur le déclic et, lorsqu’il fut à dix pas, je lui lâchai le coup en plein poitrail. Il fit un saut, jeta un hurlement rauque, comme un sanglot étouffé par le sang, et retomba raide mort. Ayant lié les quatre pattes ensemble, je chargeai ce gibier sur mon épaule, et je m’en revins à la maison où j’arrivai tout en sueur, quoiqu’il ne fît pas chaud. Quand je posai l’animal à terre, Jean s’écria :
— C’est un joli coup de fusil !
Comme il me tardait de lui rapporter l’argent, le matin même, un voisin m’ayant prêté son âne, j’attachai le loup sur le bât et je m’en allai à Périgueux. Je refis le chemin que j’avais tenu avec ma mère autrefois ; mais, comme je marchais mieux qu’alors, j’y fus rendu vers les cinq heures. Mais il me fallut attendre au lendemain pour présenter mon loup, et je logeai dans une petite auberge près du Pont-Vieux. Je ne fus pas plus tôt arrêté que les voisins s’assemblèrent pour voir la bête, tant les gens de ville sont badauds. Ils me faisaient des questions, demandaient où et comment je l’avais tué, et discouraient entre eux sur la nature et les habitudes des loups. Il se trouvait des malins pour assurer que les loups avaient les côtes en long ;