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l’avais pas de coutume, ne pouvant rester aussi longtemps assis, je me levais et j’allais dans la cour me remuer les jambes, et, tandis que le vent me fouettait la figure, je regardais passer, au ciel mantelé de gris, de gros nuages noirs qui s’enfonçaient dans la nuit.

Lorsque la pointe du jour parut à travers les vitres, faisant pâlir la flamme du cierge qui nous éclairait, le chevalier me demanda si j’avais fait le nécessaire pour l’enterrement. Je lui répondis que, hormis la déclaration au maire et la caisse qui était commandée, je n’avais rien voulu faire, attendant son avis. Et alors, je lui expliquai que Bonal nous avait dit souvent qu’il voulait être enterré au bout de l’allée, sous ce gros marronnier qui avait été planté le jour de la naissance de son père, et qu’il serait bien à propos de suivre ses désirs, d’autant plus que, si on le portait au cimetière, le curé, par haine, le ferait mettre dans le triste coin foisonnant d’orties et de ronces, réservé pour ceux qui se détruisaient.

Le chevalier pensa un instant, puis me dit :

— Qu’il soit fait selon la volonté de notre pauvre défunt. Je connais le maire, il n’est pas homme à s’inquiéter d’un petit accroc à la loi que peut-être même il ignore ; d’ailleurs, s’il y a ensuite quelque difficulté, je tâcherai d’arranger cela.

Ayant ouï ces paroles, je sortis, et, prenant une pioche et une pelle, je m’en allai par l’allée. La pluie avait cessé ; le temps était frais, et, dans