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Et on parla d’autre chose.

Les affaires marchèrent longtemps ainsi. Presque tous les dimanches, j’allais à Bars, et je rencontrais Lina et sa mère, souvent. Ça ne me plaisait guère que la Mathive fût toujours là, mais je patientais, aimant trop mieux voir ma mie devant sa mère que de ne la voir point du tout. Celle-ci, d’ailleurs, continuait d’être bien pour moi, me disant à l’occasion quelque mot pour me faire entendre qu’elle me voyait avec plaisir ; mettant sa fille en avant, toutefois, — en paroles, — mais à ses mines, à ses airs amiteux, je finis par comprendre que cette femme, sur le tard, était prise de la folie des jeunes garçons. Pour ne pas me brouiller avec elle, je faisais le nesci, celui qui ne comprend pas, et j’avais l’air de ne pas me donner garde que des fois elle se serrait un peu contre moi en marchant, comme si le chemin eût été trop étroit. Tout cela était cause que souvent, au lieu de les accompagner, je m’en retournais à La Granval, sous quelque prétexte, après avoir dit un mot à Lina tandis que sa mère achetait un tortillon pour faire une trempette au vieux Géral.


Chez nous, tout allait bien. Moi, je travaillais comme un nègre, me levant à la pointe du jour et me couchant le dernier. La Fantille, solide encore, élevait la poulaille, nourrissait les cochons, et faisait tous les ouvrages qui, dans une maison, reviennent de droit aux femmes. Notre