Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/231

Cette page a été validée par deux contributeurs.

chanvre ou de lisière qui leur servait de lie-chausses. Et peu à peu, comme il ne venait plus personne, le tas diminuait de tous ceux qui avaient satisfait leur manie superstitieuse, et bientôt il n’y eut plus là que quelques vieilles folles qui ne pouvaient se décider à s’en aller. Alors, des coins de la chapelle où ils attendaient, sortirent, se traînant, clopinant, des malades, des infirmes, des estropiés, des impotents qui n’avaient pas osé se fourrer dans la foule où on les aurait pilés ; et ils vinrent se frotter à leur tour, étalant sans vergogne leurs hideuses misères, et se rendant charitablement un bon office lorsque l’endroit malade le requérait. Le malheureux saint frotta encore quelques échines tordues, quelques jambes pourries, quelques bras desséchés ; il subit encore quelques sales attouchements de plaies croûteuses ou vives, d’ulcères suppurants, et puis enfin fut replacé, tranquille pour un an, dans sa niche, par le marguillier qui avait cessé de recevoir des sous, le curé ayant cessé de réciter ses versets d’évangile, faute de pratiques. Et, tout le monde étant parti, il ne resta plus sur le pavé, plein de terre et de gravats apportés par les pieds des dévotieux, que des boutons arrachés dans la précipitation et plusieurs morceaux de jarretières cassées.

J’ai ouï dire que, depuis ce temps-là, cette dévotion a beaucoup perdu et que les gens n’y courent plus à troupeaux comme jadis. La foi à