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Quelques jours après l’histoire de Jean de La Jalage, le piéton de Montignac lui apporta une lettre cachetée de cire violette, venant de Périgueux. Après en avoir pris connaissance, le curé vint trouver le chevalier et lui dit qu’il avait besoin de moi pour m’envoyer à La Granval.

— Il est à vous plus qu’à moi, fit le chevalier : la permission est inutile.

M’étant habillé promptement, le curé me dit :

— Tu vas aller à La Granval trouver le Rey et tu lui diras qu’il me faudrait une avance de dix écus sur le pacte de la Saint-Jean. Il n’est pas nécessaire de courir : couche là-bas et reviens demain, ce sera assez tôt.

Là-dessus je partis en coupant au plus court, je traversai les brandes au delà de Fanlac, et je m’en fus tout droit à La Granval, en passant par Chambor, Saint-Michel et le Lac-Viel. Arrivé que je fus, la femme du Rey ne voulait pas me reconnaître :

— Ça n’est pas Dieu possible que ce soit toi Jacquou !

Enfin, lui ayant rappelé tout ce qui s’était passé lors de nos malheurs, elle finit par s’en accertainer. Le Rey, étant survenu peu après, me reconnut bien, lui, et me dit :

— Te voilà tout à fait dru, petit !

Le soir, je soupai avec ces braves gens, et puis ils me firent coucher. Étant au lit dans cette maison où mon pauvre père avait été pris, je pensai