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pardonne et l’autre non, la partie n’est plus égale. Comme disait le chevalier :


Lorsqu’on se fait brebis, le loup vous croque.

Malgré la misère de mes premières années, j’étais, lors de ma première communion, grand et fort, de manière que je paraissais avoir quinze ans. D’un autre côté, depuis trois ans que j’étais chez le curé, j’avais appris tout ce qu’il m’avait montré, mieux et plus vite que ne font tous les enfants d’habitude. Je savais passablement le français ; un français plein d’expressions du terroir, de vieux mots, d’anciennes tournures, comme le parlait le curé, puis l’histoire de France, un peu de géographie et les quatre règles. Mais, où j’étais bien plus fort qu’un drole de mon âge, c’était pour raisonner des choses et connaître ce qui était bien ou mal, vrai ou faux. Cela venait de ce que, en toute occasion, le curé m’enseignait, et me formait le jugement, soit en travaillant au jardin, soit en allant porter quelque chose à un malade, soit dans les moments de loisir que les gens vulgaires emploient à baguenauder ou à faire pire. Il savait, à propos d’une chose très simple, très ordinaire, me donner des leçons de bon sens et de morale, me montrer où étaient les véritables biens, dans la sagesse, la modération, la vertu.

Moi, je me conformais bien tant que je pouvais à ses préceptes, et j’y avais goût ; mais il y avait au fond de mon être une chose que je ne