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maître valet me dit, sans autre explication, qu’on n’avait pas besoin de moi céans.

Je commençais à croire que quelque sorcière m’avait jeté la mauvaise vue ; mais que faire à cela ? Je repartis donc, et, grimpant le rude coteau pelé au fond duquel est le château, je m’en allai vers Fanlac.


Tout en montant le chemin roide et pierreux bordé de murailles de pierres sèches, je faisais de tristes réflexions sur mon sort. Depuis trois jours que je galopais le pays, j’avais vu des enfants de mon âge dans les maisons bourgeoises et chez les paysans, et je songeais que ceux-là étaient heureux qui avaient leurs parents autour d’eux, une demeure où se retirer, et la vie à souhait, ou tout au moins le nécessaire. Non pas qu’une basse envie me travaillât, mais, en comparant ma destinée à la leur, je sentais plus vivement mon isolement et mon dénuement de toutes choses. Tout de même, je tâchais de prendre courage en suivant ce chemin pénible, mû par l’espérance. Le soleil rayait fort et tombait d’aplomb sur ma figure hâlée ; il faisait une chaleur à faire bader les lézards, ou luserts, comme dit l’autre, et les pierres du chemin brûlaient mes pieds nus. Aussi, lorsque je fus sur la crête du haut coteau rocailleux où est pinqué le petit bourg de Fanlac, j’étais rendu, et je m’assis à l’ombre de la vieille église pour me reposer.

Il me sembla, en arrivant sur cette hauteur,