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Alors, moi, plein de douleur et d’épouvante, je l’appelai :

— Mère ! mère !

Et je me mis à sangloter sur sa main que je gardais toujours dans les miennes.

Je restai longtemps là, immobile, affaissé. Lorsque je relevai la tête, à la lueur du chalel, que le vent venant du trou de la tuilée faisait vaciller, je vis la figure de ma mère qui prenait une teinte de cire jaunâtre. Ses yeux étaient restés ouverts, et aussi sa bouche, dont les lèvres rétractées laissaient voir les dents. Oh ! de quelle funèbre terreur je fus pris en la voyant ainsi ! Je ne pus la regarder une minute, et, me cachant la figure dans les draps, rempli de désespoir et d’effroi, j’achevai de passer de la sorte cette horrible nuit.


Le jour venu, je me relevai un peu rassuré et j’avisai ma pauvre mère. Maintenant elle était froide, roidie par la mort ; sa main que je touchais glaçait la mienne ; ses cheveux noirs, défaits dans les mouvements de la fièvre, s’épandaient en mèches épaisses sur le lit, comme des serpents ; sa pâleur était devenue terreuse ; ses yeux étaient vitreux et ternis, et sa bouche, toujours grande ouverte, semblait clamer le désespoir de laisser son drole seul sur la terre.

Je restai là un moment à la contempler, puis, faisant ce que j’avais ouï dire qu’on faisait en tel cas, je lui couvris la figure avec le linceul,