m’en souciais guère, car, sur le coup où j’avais pensé à cela, m’entra comme une balle dans la tête cette idée : mettre le feu à la forêt de l’Herm ! De cet instant, je ne m’occupai d’autre chose ; la nuit, j’en rêvais. Ce n’était pas la résolution perverse d’un enfant précocement méchant, faisant le mal pour le mal, par plaisir ; non. À la guerre sans pitié du comte je répondais par une guerre semblable ; ne pouvant le tuer, — ce que j’aurais fait alors sans remords, — je lui causais un grand dommage. Je tenais mon serment, je vengeais mon père ; cette pensée me faisait du bien. Tout ça n’était pas, à ce moment-là, aussi net dans ma tête que je le dis aujourd’hui, mais je le sentais tout de même.
Le difficile était d’en venir à mes fins. J’y songeais tous les jours, cherchant les moyens, les pesant, les comparant, et, finalement, m’arrêtant aux meilleurs, c’est-à-dire à ceux qui pourraient rendre l’incendie plus considérable.
Le premier point, c’est qu’il fallait attendre un jour où il venterait fort ; le second, que le vent devait venir de l’est, du côté de Bars, pour ne pas brûler la forêt de La Granval, ni celle du Lac-Gendre, ce que je n’aurais voulu pour rien au monde, mais seulement celle de l’Herm. La troisième condition, c’est qu’il fallait allumer le feu à un endroit d’où il pût gagner facilement tous les bois du comte de Nansac, car, de préparer plusieurs foyers, c’était appeler les soupçons ; mis à une seule place, ça passerait pour