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le surlendemain, étant dans la forêt de La Granval, je trouvai, entre les Maurezies et le Lac-Viel, le piqueur de l’Herm qui sonnait des appels. Il me demanda si je n’avais pas vu un grand chien blanc et noir, marqué de feu aux pattes et au-dessus des yeux. Je lui répondis que non, et là-dessus, poussant son cheval, il s’en alla. Dans les villages aux entours de la forêt, on sut par ce piqueur que Taïaut, le chien de tête, était perdu. Moi, je ne disais rien, mais je soupçonnais qu’il pourrait bien être étranglé mort au pied d’un petit chêne, là-bas, dans la Combe-du-Loup. J’avais une forte envie de m’en accertainer, mais la crainte d’être vu et d’attirer les soupçons sur moi me retenait. Cependant, perdant patience, le dimanche, pendant la messe, sûr que tous, maîtres et domestiques y étaient, je courus à la Combe-du-Loup. Ha ! la tête de Taïaut était là par terre dans la coulée, et tout le reste avait disparu, mangé par les loups : il payait pour notre pauvre chienne. Je détachai vite le seton et je m’en revins tout fier et content de ce commencement de vengeance. Au château, personne ne se douta de rien, et lorsque, quelques jours plus tard, Mascret trouva la tête de Taïaut à moitié mangée par les fourmis, on crut que le chien, n’ayant pas retraité avec les autres, avait été attrapé la nuit par les loups.

J’étais content, j’ai dit : pourtant quelque chose me fâchait ; c’était que le comte ne sût pas