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écartés, dans les fonceaux perdus, des fourrés drus, d’ajoncs, de genêts, de brandes, de bruyères, entremêlés de ronces et de fougères qui semblaient de petits arbres. C’est dans ces fourrés impénétrables que les sangliers, appelés en patois porcs-singlars, avaient leur bauge d’où ils sortaient la nuit pour aller fouir les champs de raves ou de pommes de terre autour des villages. On ne les voyait guère de jour, sinon lorsqu’ils étaient chassés par la meute du comte ; ou bien c’était une laie traversant une clairière, au loin, suivie de ses petits trottinant après elle.

Deux chemins coupaient la forêt : le grand chemin royal de Bordeaux à Brives ou, autrement, de Limoges à Bergerac, qui passait à l’Herm, à la Croix-de-Ruchard où s’embranchait un chemin venant de Rouffignac, et ensuite allait, toujours en plein bois, jusqu’au Jarripigier, pour de là gagner Thenon. L’autre était le grand chemin de traverse d’Angoulême à Sarlat qui, venant de Milhac-d’Auberoche, passait près du Lac-Nègre, au Lac-Gendre, et, à un quart de lieue de Las Motras, allait croiser le chemin de Bordeaux à Brives et se dirigeait vers Auriac, en passant sur la gauche de Bars.

Ces chemins n’étaient pas tenus comme les routes d’aujourd’hui. C’était, du moins les deux premiers, de grandes voies larges de quarante et quarante-huit pieds, comme ça se voit encore à des tronçons qui restent, lorsque les riverains n’ont pas empiété. Elles montaient tout bonne-