Dès le jour ensuivant, malgré tout son chagrin, la pauvre femme s’inquiéta de trouver des journées. De retourner chez Géral, il n’y fallait point songer, à cause de la servante qui « coupait le farci » chez lui, comme on dit de celles qui font les maîtresses ; moi je le regrettais fort à cause de Lina. Dans ce pays par là, il y avait plus de métayers et de petits biens que de bons propriétaires employant des journaliers. À l’autre bout de la forêt vers Saint-Geyrac, c’était la terre de l’Herm, dont il ne pouvait être question. Du côté de Rouffignac, en deçà, il y avait Tourtel qui appartenait à M. de Baronnat, qui, à ce que j’ai ouï dire depuis, était un ancien juge du parlement de Grenoble ; au delà, il y avait le château du Cheylard, où elle aurait encore pu trouver quelques journées maintenant que le travail sortait ; mais ces endroits étaient trop loin de la tuilière. À force de chercher, ma mère trouva à s’employer chez un homme de Marancé dont l’aîné était parti s’enrôler, car, en ce moment, on ne tirait plus au sort depuis la chute de Napoléon. Cet homme donc, ayant besoin de quelqu’un pour l’aider, car sa femme ne pouvait guère, ayant toujours un nourrisson au col et cinq ou six autres droles autour de ses cotillons, prit ma mère à raison de six sous par jour et nourrie. Mais lorsqu’elle voulut parler de m’amener, comme chez Géral, il lui dit roidement qu’il y avait bien assez de droles chez lui pour le faire enrager, qu’il y en avait même