— Moi, je vais souper à Thenon, ce soir : je vais vous faire porter ; vous avez l’air bien las, pauvres !
Et sans attendre le consentement de ma mère, il arrêta ses chevaux et me logea dans une grande panière suspendue sous la charrette, où il y avait de la paille et sa limousine. Je me couchai là, et bientôt, bercé par le mouvement, je m’endormis.
Lorsque je me réveillai, le soleil baissait, allongeant sur la route les ombres de l’équipage, et celle du roulier qui marchait à la hauteur de la croupe de son limonier. En cherchant ma mère des yeux, je vis ses lourds sabots se balançant sous le porte-faignant où elle était assise. Nous approchions lors de Fossemagne, et, ma mère voulant descendre, le roulier lui dit que de s’engager dans les bois avec la nuit qui allait venir, ça n’était pas bien à propos ; qu’il nous valait mieux venir jusqu’à Thenon où il nous ferait souper et coucher. Mais ma mère le remercia bien, et lui répondit qu’ayant une bonne heure et demie de jour encore, nous avions le temps d’arriver chez nous.
— Comme vous voudrez, brave femme, dit-il alors en arrêtant ses chevaux.
Ma mère l’ayant derechef remercié de son obligeance qui nous avait rendu bien service, il dit que ça n’était rien, nous donna le bonsoir, fit claquer son fouet, cria :
— Hue !…