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faire quelque peu gracier mon père ou de faire casser la sentence.

— Non, pauvre femme, dit-il : en se conduisant bien là-bas, il pourrait avoir quelque diminution de peine ; mais, ayant contre lui le comte de Nansac, il n’y faut pas trop compter. Pour ce qui est de faire casser l’arrêt, je ne vois pas de motifs, et d’ailleurs, y en eût-il, je ne conseillerais pas à votre homme de se pourvoir, parce qu’il pourrait y perdre : il ne s’en est fallu de rien qu’il fût condamné à perpétuité.

» Restez encore ici, — ajouta-t-il en nous quittant, — je tâcherai de vous le faire voir une autre fois.

Après la condamnation de mon père, ma mère ayant perdu toute espérance, ne mangeait ni ne dormait. Une petite fièvre sourde lui faisait briller les yeux et rougir les joues, et cette fièvre fut en augmentant de manière que le troisième jour elle resta au lit, tandis que moi je regardais à travers les vitres les tuilées noircies des maisons d’en face, où quelquefois passait lentement un chat qui bientôt disparaissait dans une chatonnière. Pourtant, le lendemain, ma mère se leva, et nous allâmes par les rues, nous promenant lentement, elle me tenant par la main, et revenant toujours vers la prison, comme si de regarder les murailles derrière lesquelles mon père était enfermé, ça nous faisait du bien.

En d’autres temps, j’aurais été envieux de