dire : « Que deviendront ma femme et mon pauvre drole si je suis condamné ?… »
Le procureur ayant terminé, notre avocat se leva et plaida pour mon père. Il fit voir, par tous les témoignages entendus quel gueux c’était que Laborie ; il représenta toutes les misères qu’il nous avait faites, appuya surtout sur les propositions malhonnêtes dont il poursuivait sans cesse ma mère, et enfin montra clairement que c’était par un coup de colère que mon père avait tué ce mauvais homme, et non par dessein pourpensé. Bref, il dit tout ce qu’il était possible pour le tirer de là, mais il ne réussit qu’à sauver sa tête : mon père fut condamné à vingt ans de galères.
Lorsque le président prononça l’arrêt, un murmure sourd courut dans le public, et nous autres, ma mère et moi, nous nous mîmes à gémir et à nous lamenter en tendant les bras vers le pauvre homme que les gendarmes emmenaient. Et parmi tout ce monde qui s’écoulait, j’ouïs le comte de Nansac dire à Mascret :
— Nous en voilà débarrassés ! il crèvera au bagne.
Le surlendemain, l’avocat, ayant eu une permission, nous mena voir mon père. Quels tristes moments nous passâmes dans cette geôle ! Je coule là-dessus, car, après tant d’années, ça me fait mal encore d’y penser.
En sortant, la mort dans l’âme, ma mère demanda à l’avocat s’il n’y avait aucun moyen de