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— C’est vous qui êtes la femme de Martin Ferral ?

— Oui, notre monsieur, pour vous servir, si j’en étais capable, dit ma mère en se levant.

— Vous ne pouvez pas voir votre homme en ce moment, pauvre femme ; mais c’est demain qu’il passe aux assises, vous le verrez. Je suis son avocat, — continua-t-il, — venez un peu chez moi, j’ai besoin de vous parler.

Et il nous mena dans sa chambre, qui était au deuxième étage dans une maison de la rue de la Sagesse, au no 11, là où il y a encore une jolie porte ancienne avec des pilastres et des ornements sculptés. Ayant monté l’escalier en colimaçon logé dans une tour à huit pans, le monsieur nous fit entrer chez lui, et, nous ayant fait asseoir, commença à questionner ma mère sur beaucoup de choses, et, à mesure qu’elle répondait, il écrivait. Il lui demanda notamment si ces propositions que lui faisait Laborie avaient été entendues de quelqu’un, et elle lui répondit que non, que nul, sinon mon père, bien par hasard, ne les avait ouïes, parce que cet homme était rusé et hypocrite ; mais qu’il était au su de tout le monde qu’il attaquait les femmes jeunes qui étaient sous sa main, comme les métayères, ou celles qui allaient en journée au château. Ça se savait, parce qu’en babillant au four, ou au ruisseau en lavant la lessive, les femmes se le racontaient, du moins celles qui ne