Page:Eugène Le Roy - Carnet de notes d’une excursion de quinze jours en Périgord, 1901.djvu/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.

me siffle l’air de : la goutte à boire là-haut, et je grimpe en soufflant dur, me parforçant comme un vieux cheval courageux. Enfin voici des maisons, je me crois arrivé ; point du tout, ce ne sont que des écarts ; il faut se hisser encore, pour arriver au sommet du haut plateau où se trouve le véritable Belvès.

Après nous être rafraîchis dans un café, nous allons nous promener par la ville endormie. Il fait un beau clair de lune, et, dans les rues désertes, les toits et les pignons projettent leurs ombres bizarres. Parfois, à notre approche, un chat rôdeur traverse la rue et disparaît dans un soupirail de cave. Au loin, on entend le pas pressé d’un joueur de manille attardé qui regagne le logis conjugal.

Beffroi à Belvès

Nous allons nous coucher aussi et le matin nous visitons la ville qui a bon air. Quoique vieille et irrégulière, elle est bien bâtie et propre. Elle se développe sur les hauteurs d’une âpre colline capricieusement découpée. Une vieille construction attenant à la mairie est surmontée d’une sorte de beffroi à pans coupés, très original. La vieille église est à l’extrême cime de la colline, très isolée, sauf un couvent auquel attient un vaste enclos. Dans la ville, sur la place de la Halle, un vieil édifice est accolé à un clocher primitif, sorte de toiture soutenue par quatre piliers d’angle portés par une tour carrée. Est-ce là l’ancien monastère des Templiers ? Je ne saurais le dire, n’étant, je l’avoue, rien moins qu’un archéologue.

Dans la rue voisine, on remarque d’anciennes maisons avec des croisées à meneaux curieusement travaillées ; l’une de ces maisons a une belle porte, dont les sculptures et les moulures sont rongées par le temps. Ailleurs, restes de tours et vieux pans de murs.

Le séjour de Belvès ne doit pas être désagréable. Des hauteurs où la ville est située, on domine la campagne environnante, bosselée de coteaux boisés séparés par des vallons peu étendus. Seulement il n’est pas aisé d’y aborder. Il y a bien une route carrossable, mais elle est très longue. Je me suis laissé conter que les hôteliers s’étaient entendus pour n’avoir pas d’omnibus, et qu’à cause de la difficulté de l’accès, pas mal de voyageurs brûlaient la ville. Je ne sais ce qui en est, mais je doute qu’on y grimpe deux fois pour son seul plaisir.