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Nous traversons le petit bourg propret et riant de Saint-Barthélemy-de-Bellegarde. Beaucoup de communes plus riches et plus favorisées du Périgord, n’ont pas un chef-lieu aussi bien bâti et d’aussi bonne apparence.

À l’approche de la plaine, les différences de terrain se fondent et s’effacent. À mesure qu’on descend les pentes du plateau de la Double, le sol change de nature, les noyers se montrent, les cultures sont plus variées. Mais la nuit tombe et à un détour de la route, se déroulant comme un sombre ruban d’acier bleui, l’Ille vient baigner le pied du coteau.

De Montpon, où nous avons pris le train, jusqu’à Mussidan, nuit noire.

Après un mauvais dîner, nous sortons pour fumer un cigare en nous promenant. Robert, qui a de bons yeux, aperçoit un de nos amis qui nous mène au café retrouver son frère. Bavardé, fumé, bu des bocks jusqu’à dix heures ; puis nous allons nous coucher avec une invitation à déjeuner pour le lendemain.

Le matin, nous avons erré par les rues et les places. Mussidan est, à mon avis, une des plus jolies petites villes du Périgord et celle qui a le plus l’air ville. Elle a de belles promenades, et sa situation, au confluent de la Crempse et de l’Ille, est très heureuse. En dépit de son ancienneté, la ville est neuve ; on n’y voit point de restes de murs d’enceinte, ni d’anciennes portes, ni même guère de vieilles maisons. À défaut de vieux monuments, les souvenirs historiques abondent. Dans la seule moitié du seizième siècle, Mussidan soutint quatre sièges ; c’est sans doute à cela et aussi à l’extension de la ville, qu’il faut attribuer l’absence de vestiges des anciennes fortifications.

Général Beaupuy

L’armée catholique fut huit jours sous ses murs en 1569. Parmi les chefs, le comte de Brissac et le seigneur de Pompadour y furent tués par un adroit arquebusier périgordin appelé Charbonnière, lequel, assis devant une meurtrière, tirait incessamment avec trois arquebuses que sa femme et un valet lui chargeaient.

Malgré la capitulation, Charbonnière fut pendu par ordre du duc d’Anjou, et les protestants passés par les piques ou mis au couteau : c’était le bon vieux temps.

Le souvenir du général Beaupuy, l’Achille et le Nestor de l’armée du Rhin-et-Moselle, repose de ces horreurs. Sa statue se dresse fièrement à l’ombre d’une allée de platanes — à moins que ce ne soit des tilleuls — ou des ormeaux. Le piédestal est surchargé d’inscriptions peu lapidaires. Il fallait seulement, à mon avis, la date de sa naissance, celle de sa mort et l’énumération de ses faits d’armes. Les