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— Je te croyais mort ! dit-elle faiblement, après un silence.

— Mais mes lettres ?

— Je n’ai jamais rien reçu !

— Cinq fois je t’ai écrit !… ma dernière lettre est revenue refusée ; alors moi aussi j’ai cru à un malheur !

— Ah ! fit-elle, on me les a volées !

Ils s’approchèrent du feu et s’assirent côte à côte sur la banquette, dans le coin de la cheminée. Kérado entourait de ses bras la pauvre femme en pleurs, dont la tête reposait sur son épaule. Ils restèrent longtemps ainsi, muets, frissonnants, mêlant leurs soupirs et leurs baisers. Le feu s’éteignait ; Yves murmura quelques paroles à l’oreille de Maurette.

— Mon tendre ami, dit-elle en l’implorant, je ne m’appartiens plus !… J’ai perdu le bonheur, laisse-moi l’estime de moi-même… J’en ai besoin pour vivre ! ajouta-t-elle douloureusement.

Et comme il redoublait ses supplications, elle ajouta, en cachant son front dans la poitrine de son ancien ami :

— Mon Yves bien cher ! vois ! j’ai honte !… je ne suis plus digne de toi !

— Oh ! Reine !… ma douce amie !…

— Non ! non ! aie pitié de moi ! Ne me force pas à rougir !

— Reine ! Reine ! suppliait-il obstinément.

— Yves ! laisse-moi tenir ma parole !… être honnête femme !…