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gémissait la triste Reine, en pleurs devant le lit funèbre.

Cette mort rendit la situation de Maurette plus pénible. La vieille femme servait, en de certains cas, d’intermédiaire, de médiatrice, entre les deux époux. À table, elle parlait à peu près seule, Capdefer étant taciturne de nature, et Reine l’étant devenue depuis son mariage. Mais quoique ni l’un ni l’autre ne lui donnassent guère la réplique, ses caquets rompaient la monotonie de ce triste intérieur. Elle disparue, un silence morne régna partout. À table, Reine se pressait de manger, et se levait, laissant son mari achever seul son repas. Le soir, après souper, elle le quittait et s’occupait ailleurs. Mais elle avait beau l’éviter le jour, elle le retrouvait dans la chambre conjugale, et c’est cela surtout qui lui causait une si griève souffrance. Sous le prétexte d’indisposition, elle se réfugiait quelquefois dans sa chambre de jeune fille, et s’y enfermait pour la nuit. Mais aux grognements mécontents du Tétard, elle comprenait qu’il ne fallait pas abuser de cet expédient.

Au reste, elle tenait exactement la promesse de fidélité faite à Capdefer par-devant le maire, et feignait de ne pas s’apercevoir des regards convoiteux qui la suivaient lorsqu’elle sortait, ni des excentriques démonstrations du receveur de l’enregistrement. Elle repoussa aussi les offres solides et brillantes d’un riche célibataire des environs, le baron Berquier, qui voulait « lui faire une position », comme dit la vieille apparieuse par laquelle il lui avait fait tenir, en