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Malgré sa ferme volonté de ne pas être une pierre d’achoppement dans la carrière de son ami, elle n’avait pu s’empêcher de rêver dans l’avenir un bonheur tranquille et caché, dont l’inexplicable silence de Kérado lui enlevait la consolante espérance, et elle défaillait sous cette dernière cruauté du sort.

Le lendemain de l’enterrement, la mère Maurette se demandait comment elles allaient vivre désormais. Capdefer voudrait-il rester à la boutique ? dans quelles conditions ? Cela la tourmentait. Quant à Reine, absorbée par ses chagrins, elle ne songeait pas à tout cela, et ce fut avec un geste d’insouciance qu’elle accueillit les réflexions inquiètes de sa mère ; tout lui était indifférent maintenant.

À table, le soir, Capdefer, interrogé sur ses intentions, répondit sans nulle hésitation :

— Pensez-vous, bourgeoise, que je vous veuille abandonner dans la peine toutes deux ! Je resterai chez vous comme auparavant.

La veuve trouva cela très beau de la part de l’ouvrier, et, lorsqu’elles furent seules, elle le dit à sa fille :

— Tout de même, c’est tout à fait un brave garçon ! nous sommes bien heureuses de l’avoir.

À quoi Maurette, insensible, répondit par un signe de tête équivoque.

Elle semblait se désintéresser de toutes choses, et portait sur son beau visage une sorte d’impassibilité marmoréenne. Lorsque, le dimanche, elle sortait de l’église en grand deuil, la démarche superbe, les