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tances il eût accueilli avec plaisir. Par moments, la pensée lui venait de le refuser sans en rien dire à Reine ; mais, tantôt après, lui apparaissaient les conséquences de cette détermination : une disgrâce administrative et, très probablement, des difficultés avec sa famille, et il hésitait, avec l’espoir de trouver une combinaison qui les réunirait. Maurette, quoique résignée en apparence, avait la mort dans l’âme, et tout le jour, muette, enfermée dans une situation sans issue, elle ployait sous le coup. Mais lorsque, seuls, tous deux échangeaient leurs pensées désolées, cette jeune fille au grand cœur consolait son amant et l’encourageait en lui suggérant des motifs d’espérance auxquels elle ne croyait guère, en montrant une confiance qu’elle n’avait point dans les événements futurs. Pourtant, la douleur d’une séparation définitive lui était si griève qu’elle cherchait par instants à s’abuser elle-même, et en venait inconsciemment à partager les illusions qu’elle avait fait naître. Alors ils faisaient des projets chimériques de réunion prochaine, bâtissaient des châteaux en Espagne et s’hypnotisaient dans la contemplation idéale d’un vague avenir, où ils seraient l’un à l’autre, pour la vie.

La dernière nuit fut cruelle, entremêlée de pensées attristées, de baisers mouillés de larmes, de regrets amers et de soupirs douloureux exhalés dans les déchirements de la départie. Enfin, lorsqu’au dernier moment il lui fallut s’arracher des bras de Kérado, la pauvre Reine laissa échapper cette plainte suprême :