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Ce soir-là, en se couchant, Maurette mit à son doigt une bague ornée d’une turquoise que Kérado était allé acheter à Périgueux. À l’intérieur étaient gravés leurs chiffres entrelacés : un Y et un R, puis la date de leur bonheur : 2 mai. Yves ! Reine ! murmura-t-elle en baisant l’anneau.

De ce jour, ils correspondirent en mettant leurs lettres dans un trou de la muraille du jardin, qui se rebouchait avec une pierre. Toinette, un peu étonnée de ne plus servir d’intermédiaire, essaya de savoir la vérité de Maurette. Mais l’amour rend les filles rusées. Celle-ci, après maints propos dilatoires, déclara qu’elle ne pensait plus à « monsieur » Kérado. Pressée de préciser pourquoi, elle tergiversa et finit par refuser, en sorte que Toinette, mal contente, s’en alla en disant :

— Comme tu voudras, ma petite !

Parfois, la complaisante amie soupçonnait que les deux amants étaient d’accord pour lui céler leur secret ; mais elle ne s’arrêtait pas à cette idée, ne comprenant pas pourquoi, après tout ce qu’elle savait, elle aurait subitement perdu leur confiance.

Un jour, comme elle essayait, ainsi qu’on dit vulgairement, de « tirer les vers du nez » au vérificateur des tabacs, en lui exprimant son étonnement de cette brouille entre deux amoureux si épris, il lui répondit assez énigmatiquement :

— Il vaut mieux manger une pomme que regarder une orange !