Page:Eugène Le Roy - Au pays des pierres, 1906.djvu/62

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mais Reine trouvait ces rendez-vous en plein air trop risqués et apparents, et il lui répugnait d’imiter ses compagnes qui ne faisaient pas entre elles grand mystère de la chose. Kérado lui-même était dans ces sentiments. Il aimait sincèrement la jeune fille, et ces façons libres du plaisir facile choquaient fort ses délicatesses et son caractère sentimental. Il avait usé par nécessité de l’intermédiaire de Toinette, mais à présent il se refusait à lui laisser pénétrer le secret de son bonheur.

Quelques jours après, à la sortie du mois de Marie, il glissa dextrement dans la main de Reine un billet qui brûla les doigts de la petite. Elle se dépêcha de rentrer et de se mettre au lit. Le cœur lui battait fort en lisant ce poulet de l’amant, fou de passion, qui la suppliait de venir le lendemain soir au jardin… elle n’avait qu’à ne pas fermer la porte à clef…

Le lendemain, au sortir de l’office, elle donna le bonsoir à ses amies et feignit de rentrer chez elle. D’aventure, il faisait brun ; mais pour plus de sûreté, elle jeta un fichu sur sa tête, et soudain, tournant dans le chemin, elle courut au jardin. À l’entrée du cabanon, deux bras la saisirent et l’enserrèrent, le cœur palpitant, ayant peine à respirer.

— Ô ma Reine ! ma Reine chérie ! murmuraient des lèvres qui cherchaient les siennes dans l’ombre…

— Tu reviens bien tard, ma Reinette, lui dit sa mère lorsqu’elle rentra.

— Nous nous promenions avec Toinette et les autres…