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aspérité du roc, d’une étroite faille, d’un arbrisseau fragile, ou d’une broussaille poussée dans une fente. Que son pied glissât, qu’une touffe d’herbe eût cédé sous sa main, et il se brisait au pied de l’escarpement !

La vision du danger bravé pour elle devint si intense que Maurette en souffrait physiquement. Elle s’arracha à cette obsession et revint au cabanon. Ce réduit, encombré d’outils de jardinage, avec des paquets de plantes desséchées suspendus aux lambris, et des gourdes contenant des graines, accrochées aux murs, lui semblait maintenant un sanctuaire de l’amour. Elle regardait le tabouret bas où elle était assise la veille, puis les paillassons à recouvrir les couches où Yves s’était agenouillé à ses pieds… Et une sorte de torpeur l’envahissait au souvenir de l’extase de tout son être qu’elle avait éprouvée la veille.

Longtemps elle resta là, immobile, goûtant en paix l’ineffable douceur de ces réminiscences, et bercée par le bruissement de la rivière qui montait dans l’air frais du matin ; puis elle revint à la maison.

Tout le jour, en tirant son aiguille, Maurette rêvait aux moyens de revoir son cher Kérado. La veille, en la quittant, ivre de bonheur, il lui avait dit :

— Maintenant, je connais le chemin… Je reviendrai !

— Oh ! non, non ! pas par là !… attendez !

La difficulté de se retrouver avec Yves dans des conditions de décence et de sécurité suffisante la préoccupait. Il y avait bien les promenades du soir,