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l’amour platonique ! disaient Gaudet, Miquel et les autres, qui le prenaient pour un amoureux transi.

La vérité était tout autre ; mais Maurette, qui pourtant en son cœur s’était déjà donnée, était moins impatiente de la réalité, et elle se complaisait dans les heureux préliminaires de la petite oie. Elle aimait profondément le jeune homme, mais un sentiment de pudique réserve la faisait hésiter encore. Il lui semblait banal et grossier de se donner, pour la première fois, de propos délibéré, dans un rendez-vous vulgaire, comme les autres. Puis sa délicatesse native répugnait à mettre une camarade, et surtout l’ami de celle-ci, dans la confidence de sa chute. Pourtant, sans Toinette, elle n’eût eu quasi point de moyen de voir son amoureux et de lui parler ; car c’était une complaisante amie, Mlle Cadenet, qui n’épargnait pas sa peine pour favoriser les amours de Maurette. Sous le prétexte de porter des ciseaux et des couteaux à repasser, elle avait avec celle-ci de secrètes confabulations et lui parlait du Breton en des termes qui faisaient « boire du lait » à la petite, comme on dit. Puis un jour elle lui remit une longue lettre que Reine lut le soir, au lit, la targette mise à la porte de sa chambre.

En attendant le jour où elle n’aura plus rien à donner, Maurette donne de ces menus objets, de ces chères babioles qui font le bonheur des jeunes soupirants : une fleur, un ruban, puis, après quelques hésitations, un petit billet, Toinette remet tout cela au grand Kérado, ravi ; cela lui fait prendre patience,