Page:Eugène Le Roy - Au pays des pierres, 1906.djvu/51

Cette page a été validée par deux contributeurs.

devait être la fille d’honneur. Elle avait bien convié aussi son amie Reine, mais la mère Mauret l’avait voulu garder pour réveillonner en famille, ce dont était fort contrariée la petite.

Pour Kérado, pressé de venir, il refusa, sa mie n’y étant pas, et s’en fut se coucher pour penser à elle plus à loisir.

Mais vint le temps du carnaval, et le pauvre commis des tabacs eut quelques compensations plus substantielles que ses pensers solitaires. Depuis le jour des Rois jusqu’au mercredi des Cendres, les dimanches et les jours gras, il y avait deux bals publics à Montglat, l’un au café Montcazel, l’autre au Chêne-Vert, et, en outre, nombre de sauteries particulières. Dans cette petite ville, les distinctions de classes étaient en ce temps-là peu marquées. Grâce à son isolement, à son accès difficile qui rebutait les étrangers, les vieilles mœurs s’y étaient conservées, et un reste de l’égalité primitive des habitants, attirés dans la bastille par des franchises et des concessions de terres, subsistait encore, entretenu par un cousinage assez étendu des citadins qui s’étaient beaucoup mariés entre eux. Des descendants des premiers occupants, les uns avaient prospéré par leur industrie ou par l’heureuse chance de la découverte, sur leur lot de la plaine du Roy, d’une carrière de pierre meulière qui les avait enrichis. Mais, pour cela, ils n’affectaient point la supériorité sur leurs concitoyens moins habiles ou moins heureux, et riaient comme les autres — peut-être à