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— Faudra-t-il lui dire que tu t’es enquise de sa santé ?

— Oh ! ne fais pas ça !

Malgré cette défense, lorsque Kérado vint souper avec le docteur et Gaudet, Toinette lui en fit la confidence dans un coin, ce qui rendit l’amoureux si heureux qu’il n’en mangea pas, et que le lendemain il croisa tout le jour sur la promenade d’où il voyait la maison de sa belle.

Les jours ensuivants, il passa devant la boutique si souvent, que Capdefer finit par s’en donner garde. Quant à Maurette, on eût juré qu’elle ne s’en apercevait pas, mais c’eût été à tort. Indifférente de maintien, son cœur battait bien fort lorsqu’elle oyait le pas de son amoureux qu’elle reconnaissait de loin. Mais ce fut bien autre chose lorsqu’un jour, au lieu de passer en lui jetant un coup d’œil très amiteux, Kérado tourna court et entra dans la boutique en saluant. Elle en devint pâle et répondit par une légère inclination de tête, sans lever les yeux.

— S’il vous plaît, je voudrais un couteau, dit-il à Mauret.

— Comment vous le faut-il ?

— Un bon couteau… avec un canif…

Le chaland fut long à choisir. Il prenait successivement tous les couteaux que le patron avait portés au jour, sur le taulier. Le Breton était là, tout près de Maurette, qui lui tournait le dos, très occupée à sa couture. Lui, un peu penché, ouvrait et fermait les couteaux et fréquemment jetait un coup d’œil avide