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Périgord, m’ayant tiré à part, me bailla un louis d’or et quelques assignats de cinq livres que je serrai dans une ceinture de cuir, puis nous rentrâmes à l’auberge. De ce temps on avait versé le coup de l’étrier, de manière qu’ayant trinqué tous ensemble nous partîmes en chantant, garnis de beaucoup de souhaits de bonne chance qui ne servirent pas à tous les onze.

À Périgueux, on nous réunit à d’autres volontaires, puis on nous tria par corps et nous fûmes acheminés tous vers nos demi-brigades.

Maintenant, mon fils, de te dire tous les pays où j’ai passé, de Valmy à Fleurus, et à la seconde occupation de Mayence en l’an VI, les batailles, les prises de villes et tout, ça serait trop long.

À la première paix, des onze qui étions partis ensemble de Tourtoirac, nous revînmes quatre. Trois étaient restés à l’armée, et quatre autres sous la terre au delà du Rhin, de-cà de-là, je ne sais où. Moi, j’eus la chance de revenir sans un accroc à ma peau, après avoir vu tomber à mes côtés plus d’un camarade, et même un ami et pays de ma compagnie, appelé Nogaret, du moulin du Frau, par delà Coulaures, qui fut tué à Jemmapes lorsque nous marchions à l’avant-garde pour joindre l’ennemi.

Je n’ai pas besoin de te dire si je fus content de retrouver ma Rosette, ta pauvre défunte grand’mère, et plus jolie qu’à mon départ, du moins il me le sembla. Peut-être le plaisir de la revoir me le faisait-il trouver ainsi.

Dès mon retour, je pendis au clou mon sabre d’of-